Oui pour l’acquisition de nouveaux avions de combat!
Beat Grossrieder /Secrétaire central swissPersona
Etienne Bernard / Président de l’Association des Instructeurs
Traduction Jean Pythoud
La décision pour le remplacement des «vieux» avions de combat en engagement dans l’armée suisse depuis 1978 et 1996, tombera dans les urnes ce 27 septembre 2020. Pour notre armée et notre pays, ceci est une votation très importante où chaque voix peut être décisive. Afin que nous et notre environnement ayons une meilleure représentation de l’importance et des conséquences possibles du projet, l’Association des Instructeurs (AdI) avec swissPersona ont demandé au Chef de l’armée, le Commandant de corps Thomas Süssli de donner un message là-dessus, selon sa perspective personnelle (voir la contribution ci-après).
Nous remercions le Commandant de corps Süssli pour ses informations très intéressantes et détaillées.
L’importance d’Air2030 pour l’armée en tant que système global
Commandant de corps Thomas Süssli
Chef de l’Armée
Le programme Air2030, qui vise à renouveler entièrement les Forces aériennes (FA), revêt une importance stratégique considérable. En tant qu’état neutre au cœur de l’Europe, la Suisse a le devoir solidaire de protéger son propre espace aérien et de contribuer ainsi à la stabilité du continent. Cela est nécessaire: la situation générale en matière de sécurité s’étant fortement détériorée au cours des dernières années, certains pays européens accroissent leurs dépenses d’armement. Certes, l’Europe centrale est paisible et stable pour l’instant, mais l’on ne saurait, avec une certitude absolue, exclure de futurs conflits.
Les tâches de l’armée, notamment celles que doivent accomplir les FA avec des avions de combat et des moyens de défense sol-air, sont définies à l’art. 58 de la Constitution et à l’art. 1 de la loi sur l’armée. Notre institution militaire doit être en mesure de protéger la population, les infrastructures ainsi que ses propres soldats contre les menaces venues des airs.
C’est un fait: les avions de combat actuellement en service arrivent bientôt au terme de leur utilisation technique. Ils devront être remplacés d’ici 2030. Les F-5 Tiger, qui volent depuis plus de 40 ans, ne peuvent que difficilement être engagés pour le service de police aérienne. Si les F/A-18 Hornet, qui sont utilisés depuis 1997, peuvent tenir encore une dizaine d’années au maximum, c’est uniquement grâce à la réalisation de mesures permettant de prolonger leur utilisation. L’avionique et les systèmes de ces appareils auront toutefois atteint leur seuil d’obsolescence en 2030.
Nous avons besoin de nouveaux avions de combat, c’est un fait également. Il convient de garder à l’esprit que notre armée de milice constitue un système global. Nous ne devons pas commettre l’erreur de privilégier certains éléments de ce système par rapport à d’autres. L’armée doit être en mesure de réagir à toutes les menaces potentielles. Il est donc indispensable que nos FA disposent d’avions de combat modernes.
Ce ne sont pas uniquement les besoins de la police aérienne qui détermineront le nombre de nouveaux avions de combat nécessaires. Les besoins de protection de l’espace aérien lors d’une période prolongée de tensions accrues sont également déterminants, tout comme les besoins initiaux de défense aérienne. Par période prolongée de tensions accrues, on entend un laps de temps de plusieurs semaines, pendant lesquelles la menace d’une attaque aérienne peut avoir lieu à tout instant.
En pareille situation, les FA doivent non seulement surveiller en permanence l’espace aérien, mais encore réagir immédiatement à toute violation de celui-ci. Il est donc indispensable que deux avions de combat (ou davantage) restent prêts à décoller dans un délai de quelques minutes. Pour protéger ainsi l’espace aérien durant plusieurs semaines d’affilée, il est par conséquent essentiel de garantir ce qu’on appelle la capacité à durer.
Or, le maintien de la capacité à durer influe lui aussi sur nos besoins en appareils; en l’occurrence, 32 nouveaux avions de combat au minimum sont nécessaires.
Pour avoir, en permanence, deux patrouilles de deux avions de combat chacune dans le ciel, il faut pouvoir disposer d’au moins seize avions: quatre qui sont en vol, quatre qui se tiennent prêts à décoller pour assurer la relève, quatre qui font l’objet de contrôles et de travaux de maintenance après leur vol et quatre qui constituent une réserve d’engagement. En parallèle, une partie de la flotte doit être entretenue et réparée, tandis qu’une autre doit être utilisée pour la formation et pour l’entraînement des pilotes. C’est la raison pour laquelle il faut encore au moins seize appareils supplémentaires, ce qui fait un total de 32 avions de combat.
Sachant qu’une phase prolongée de tensions accrues peut rapidement dégénérer en conflit armé, une situation qui requiert une défense aérienne, des moyens de cette envergure sont indispensables.
Pour garantir la défense aérienne, les FA doivent au minimum être en mesure d’empêcher par leurs propres moyens et pendant un certain temps que l’adversaire ne domine l’espace aérien, ou, dans tous les cas, de lui rendre la tâche difficile. Durant cette phase, l’aptitude au combat en duel des avions est décisive; ils doivent disposer d’un radar performant, de missiles guidés air-air de longue portée et de systèmes d’autoprotection efficaces.
Il n’existe pour l’instant aucune alternative convenable aux avions de combat. À eux seuls, les drones, les hélicoptères de combat et les avions d’entraînement armés ne sont adaptés ni au service de police aérienne ni à la défense aérienne.
En résumé, trois arguments importants plaident en faveur d’un nouvel avion de combat. Ils sont faciles à retenir parce qu’ils parlent à notre cœur, à notre porte-monnaie et à notre tête.
L’argument du cœur: il ne s’agit pas uniquement de procurer de nouveaux avions aux FA, à l’armée ou au DDPS, mais bien plutôt de protéger la Suisse. À l’avenir également, notre population aura besoin d’être défendue contre les menaces venues des airs.
L’argument du porte-monnaie: nous financerons l’acquisition des nouveaux avions de combat avec le budget ordinaire de l’armée, celui que le Parlement a d’ores et déjà attribué à la défense. L’argent investi ne devra donc pas être épargné ailleurs.
L’argument de la tête: nos F/A-18 ont une date de péremption. Ils arriveront au terme de leur utilisation technique en 2030. Vu qu’une procédure d’acquisition dure dix ans, nous devons commencer nos démarches aujourd’hui.
À partir de 2030, seuls de nouveaux avions de combat nous permettront de garantir notre souveraineté aérienne en cas de tensions accrues. De même, seuls de nouveaux avions de combat nous permettront de protéger la population contre des attaques en provenance des airs au-delà de l’an 2030. ■ (Photo DDPS)
D’autres informations sur ce thème: https://www.vbs.admin.ch/fr/defense/protection-espace-aerien.html